Lorsque l’on contemple une tapisserie, il faut garder à l’esprit qu’elle a souvent nécessité plusieurs années de travail ! C’est la complexité et la lenteur d’exécution ainsi que le prix élevé des matières utilisées (laine, soie, fils d’or et d’argent) qui font de la tapisserie un produit de luxe.
Pour réaliser une tapisserie, il faut d’abord un modèle. Il s’agit d’un dessin ou d’une peinture qui donne les éléments principaux de la composition.
Cette première maquette est ensuite agrandie aux dimensions souhaitées de la future tapisserie. C’est ce document, appelé carton, qui va guider le lissier pour l’exécution de la tapisserie. Si le modèle est souvent l’œuvre d’un artiste célèbre, la réalisation du carton est confiée à des artisans spécialisés dans cette tâche. Par souci d’économie, il est fréquent que les lissiers réutilisent d’anciens cartons qu’ils assemblent et modifient pour former de nouvelles compositions.
Vue de l’atelier de peinture des cartons, Manufacture de Tapis et Tapisserie Danton, Aubusson (Creuse), photographie par De Nussac, début XXe siècle, Archives départementales de la Creuse, Fonds Agis, 48_FI_261. 28/04/2017
À partir du carton, le lissier évalue la quantité de matériaux (laine, soie, fils d’or et d’argent) dont il a besoin. On appelle cette opération le kilotage.
Une fois ces étapes préliminaires réalisées, le tissage proprement dit peut commencer.
La tapisserie résulte de l’entrecroisement de fils de trame colorés sur une armature en fils de chaîne.
Il existe deux types de métiers à tapisserie : le métier dit de haute lisse, vertical, et le métier de basse lisse, horizontal. Dans les deux cas, le principe est le même : d’abord, le lissier tend des fils de chaîne entre deux rouleaux, appelés ensouples. Puis, à l’aide de navettes ou de flutes, il passe les fils de trame colorés, entre les fils de chaîne pairs et impairs. À l’aide d’un peigne, il tasse les fils de trame de façon à couvrir totalement l’armature de fils de chaîne. Un tissage fin et serré est signe de qualité.
Planches IX et XI de la suite "Tapisserie de Haute-lisse des Gobelins" (vol. 8 des planches), de l'"Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers", par Diderot et d'Alembert, Paris, 1771. Reproduction : Philippe Berthé / Centre des monuments nationaux
Contrairement au tissage de draps où l’artisan travaille par ligne complète, le lissier réalise sa tapisserie motif par motif. Pour cela, il se guide du carton, qui est placé sous le métier dans le cas de la basse-lisse et derrière lui dans le cas de la haute-lisse. Quelle que soit la technique, le lissier œuvre sur le revers de la tapisserie et ne voit donc pas le motif dans son ensemble. Pour contrôler la qualité de son travail, il s’aide d’un miroir.
Une licière au travail sur un métier de basse lisse à la manufacture de Beauvais.
L’exécution d’une tapisserie exige souvent plusieurs années et mobilise plusieurs lissiers simultanément. On estime que la réalisation d’un mètre carré de tapisserie peut nécessiter entre un et dix mois de travail selon la technique et la finesse du tissage. Une fois la réalisation terminée, on détache la pièce du métier, c’est ce qu’on appelle le « tombé de métier » qui marque l’achèvement de la tapisserie.
Vue des Ateliers de Tapisserie, La manufacture de Tapis et de Tapisseries R. et L. Hamot, Aubusson, Creuse. Carte postale, début XXe siècle, Archives départementales de la Creuse, fonds Gerbaud, 169J67. 28/04/2017
Cette technique traditionnelle de la tapisserie est toujours pratiquée à la manufacture des Gobelins.