Objet de décoration, support pour raconter des histoires ou pour se protéger du froid, retour sur les différents usages de la tapisserie au cours du temps.
La tapisserie est d’abord un meuble, que l’on tend pour isoler les pièces du froid et protéger des courants d’air. Les tentures se déploient bien évidemment sur les murs, mais également devant les portes et les fenêtres.
Abraham Bosse, Le Bal, eau-forte, vers 1634, Musée du Louvre, collection Rothschild
RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Le Mage
Facile à manipuler, la tapisserie est adaptée aux besoins de la noblesse médiévale qui se déplace beaucoup entre ses différentes résidences. Au XVIIe siècle, le caractère mobile de la tapisserie est toujours apprécié, car il permet de renouveler les décors en fonction des saisons.
Abraham Bosse, Courtisan suivant le dernier édit, eau-forte, milieu du XVIIe siècle. Musée du Louvre, collection Rothschild.
Abraham Bosse, la Dame Réformée, eau-forte, milieu du XVIIe siècle. Musée du Louvre, collection Rothschild
Crédits : RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Adrien Didierjean
Les tapisseries ne sont pas seulement utilisées dans les intérieurs nobles, mais également dans les églises, où les tentures de chœurs protègent le clergé des courants d’air.
Au-delà de cet aspect utilitaire, les tapisseries ont un indéniable caractère décoratif et les commanditaires prêtent une attention accrue aux sujets des tentures qu’ils achètent. Les tentures historiées, comme leur nom l’indique, développent sur plusieurs tapisseries un cycle narratif. À travers les thématiques développées (histoires héroïques, scènes de bataille, allégories), le possesseur peut affirmer son statut social et son ambition. Ainsi, lorsqu’il commande une tenture narrant l’histoire d’Alexandre le Grand, Louis XIV s’identifie à ce roi antique célèbre pour ses conquêtes.
Dans les églises, les tentures figurent souvent la vie d’un saint, du Christ ou de la Vierge. Leur contemplation doit édifier les fidèles.
La Mort de la Vierge, pièce de la tenture de la Vie de la Vierge, tapisserie du XVIe siècle, Palais du Tau, Reims.
Photo : Pascal Lemaître / Centre des monuments nationaux
D’ailleurs, les tapisseries médiévales intègrent souvent des textes explicatifs qui aident à la lecture des scènes. Les paroles des personnages sont parfois intégrées dans des phylactères (bande de parchemin sur lequel est inscrit un texte), ce qui fait de ces tapisseries des sortes de bandes dessinées avant l’heure !
Exemples de phylactères. Vision de Zacharie (détail). Scène de la vie de saint Jean-Baptiste.
Photo : © Bernard Renoux / Centre des monuments nationaux
Très onéreuse, la tapisserie est un produit de luxe et de prestige. Aussi, la simple possession d’une tenture précieuse est le moyen d’affirmer son statut social. Les plus puissants accumulent les tapisseries, qui, lorsqu’elles sont tissées de fils d’or et d’argent, forment également un trésor monétaire.
Leur prestige en fait un cadeau diplomatique de choix, et il n’est pas rare d’en trouver dans les dots des jeunes mariées de l’aristocratie.
Sébastien Leclerc, Colbert visitant les Gobelins, eau-forte, 1694, Bibliothèque nationale de France, Département des estampes, EA-59A-FOL
Bien que les tapisseries soient précieuses, leurs propriétaires n’hésitent pas à les découper pour les adapter à leurs besoins, ou même à les vendre à vil prix lorsqu’elles sont passées de mode.
À la fin du XVIIe siècle, Louis XIV, à court d’argent, fait brûler de somptueuses précieuses tapisseries créées aux Gobelins pour en récupérer les métaux précieux. Quant à la tenture de l’Apocalypse, passée de mode, elle est découpée et certains fragments sont utilisés comme bâches ou tapis de sol.
Lors des grandes fêtes, les tapisseries étaient utilisées pour décorer les monuments et même les rues ! Ainsi, à l’occasion des sacres royaux ou des grandes processions religieuses, les tentures étaient suspendues sur les façades des maisons, par exemple lors du sacre de Louis XV en 1722.
Martin le Jeune, La Cavalcade le lendemain du Sacre à Reims, 26 octobre 1722, huile sur toile, 1724, Château de Versailles
Photo : RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Philipp Bernard
Pierre Dulin, Louis XV allant à l’église pour son sacre, Musée du Louvre, INV 26303-recto-folio
Photo : RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Gérard Blot